Des morts suspectes sur une île pleine de séniors sèment l’effroi dans les salles cette semaine. Entre autres…
Belladone de Alanté Kavaïté
Quelque part dans un futur proche, alors que la loi oblige les personnes âgées à de vivre dans des institutions spécialisées. Sur une île, une jeune trentenaire prénommée Gaëlle accompagne un groupe de séniors ayant choisi la clandestinité. Lorsqu’un voilier accoste, avec à son bord, trois passagers, le petit monde de l’île se réjouit. Sauf Gaëlle qui demeure méfiante face à ces intrus ; ce sentiment se transforme en franche hostilité quand des morts suspectes frappent la communauté…

Mystère de chambre close sur île mâtiné de conte d’anticipation, Belladone pourrait se voir comme un mélange entre le Dix petits nègres d’Agatha Christie et la nouvelle Chasseurs de vieux de Buzzati : si dans tous les cas, l’issue est funeste il y a quelque morale à retirer de ces “écrémages” macabres. Point fort du film, sa distribution qui réunit non pas seulement des comédiens sénior mais aussi des “histoires“ de cinéma complémentaires densifiant leurs personnages dans l’inconscient du spectateur. C’est d’ailleurs agréable d’en revoir certaines et certains beaucoup moins visibles ces dernières années comme Jean-Claude Drouot ou Alexandra Stewart, voire Féodor Atkine. De retrouver également le couple Miou-Miou/Patrick Chesnais de La Lectrice se faire faire ici la lecture…
Un autre couple, original cette fois, tire son épingle du jeu : celui formé par Daphné Pataka et Dali Benssalah. Naufragés débarquant sur l’île pour en rompre l’équilibre (incarnations parfaits de deus ex machina), ils sont naturellement porteurs d’étrangeté, de menace latente et d’inquiétude. Leur présence est davantage que Gaëlle, le moteur du récit. Il manque sans doute un soupçon de perversion pour accroître le malaise, ce piment à la lisière du fantastique très fréquent dans les *huis clos* de Vadim ou Mocky notamment. Il manque surtout visiblement du budget, l’ensemble dégageant un je-ne-sais-quoi de bancal.
Papy boomers
Reste que Belladone confirme un intérêt des cinéastes (à la fois transnational et transgénérationnel) pour un même sujet clivant la société. De la 🔗Chambre d’à côté à 🔗Mickey 17 en passant par 🔗On ira ou 🔗Le Dernier Souffle, on a en effet rarement vu une telle conjonction de films s’emparer du sujet de manière didactique, métaphorique ou “dramédique”, renvoyant tout particulièrement au choix pour chacun de décider de sa mort — en d’autres termes, de conserver la pleine maîtrise de sa fin de vie.
Au-delà de la question médico-philosophique générale, cette idée de “garder le contrôle” jusqu’à l’ultime instant sur sa propre destinée, résonne ici tout particulièrement avec les protagonistes du film, appartenant à la génération des boomers. Car même si l’intrigue se situe dans un avenir immédiat non clairement défini, des indices permettent de déduire la date (peu après 2034), donc qu’il s’agit bien de cette fameuse classe d’âge. Née après la Guerre, bénéficiaire des avancées soixante-huitardes et des Trente Glorieuses, elle a cette réputation d’être globalement peu encline à passer la main ! Belladone serait-il un film caustique à leur égard ?

Dans le même temps, il met en lumière sans le nommer un mode de vie collectif jadis réservé aux communautés religieuses, le béguinage, qui retrouve ces dernières années une vigueur nouvelle auprès des personnes âgées. Alternative aux EHPAD ayant mauvaise presse depuis la publication de l’enquête de Victor Castanet Les Fossoyeurs, le principe de résider en petits groupes choisis avec l’appoint d’un aide de vie fait des émules. À condition que le coût demeure raisonnable. Et qu’il n’y ait pas d’assassin dans les environs, bien sûr…

Belladone de Alanté Kavaïté avec (Fr., 1h35) Nadia Tereszkiewicz, Dali Benssalah, Daphne Patakia, Patrick Chesnais, Miou-Miou, Jean-Claude Drouot, Féodor Atkine, Alexandra Stewart… En salle le 26 mars 2025.