Une métamorphose sur fond d’éclipse de lune illumine les écrans cette semaine. Entre autres…
Mi Bestia de Camila Beltrán
Bogotá, à l’approche de l’éclipse de lune du 6 juin 1996. Alors qu’une partie de la population voit en cet événement un présage diabolique, Mia traverse du haut de ses 13 ans de profonds bouleversements. Oppressée par la présence grandissante de David, le compagnon de sa mère, elle est aussi submergée par un déluge de sensations et de sentiments nouveaux : le trouble qu’elle éprouve face à un garçon qui ne laisse pas indifférente ou les spectaculaires changements occasionnés par la puberté…
Ne vous fiez pas à la brièveté de ce premier long métrage ! D’une densité visuelle et narrative folle, il n’est rien moins qu’un petit cousin colombien du Règne animal — en moins sage ! Tout à la fois chronique adolescente subjective et conte fantastique, Mi Bestia se double d’un regard panoramique sur une société pétrie de superstitions religieuses, où règne un sentiment d’insécurité diffus lorsque l’on est une (jeune ou moins jeune) femme. Celui-ci n’est pas propre à la capitale : le douloureux récit que fait la baby-sitter de Mia sur les conditions de son départ de sa région d’origine, tourné en plan fixe et serré, évoque davantage une parenthèse documentaire qu’une digression fictive.
Lune de sang
Jouant en parallèle sur plusieurs niveaux symboliques — la lune renvoie ainsi au cycle féminin comme à la figure du monstre se métamorphosant lorsqu’elle est pleine — le film opère un remarquable travail plastique accentuant l’effet de tension et d’étrangeté pesant sur l’héroïne. Ambiances de nuit et de forêt, savants décadrages rendant des personnages suspects encore plus menaçants, texture de l’image floue et montage nerveux contribuent à instiller de l’intranquillité dans l’œil du spectateur. Et la paradoxale fragilité de Mia achève de le déstabiliser lorsqu’il l’a voit prendre peu à peu la mesure de son nouvel état, accepter ses nouveaux pouvoirs la distinguant de ses camarades encore gamines… On n’est pas loin de cet autre grand film (d’animation) sur le passage de la puberté qu’est Alerte rouge de Domee Shi.
Au centre de cette mutation, la jeune Stella Martinez impressionne par les nuances de son jeu en apparence introverti car peu bavard mais s’adaptant finement aux micro-évolutions exigées par le rôle. Un choix à l’avenant des autres opérés ici par Camila Beltrán, augurant d’une prometteuse poursuite de carrière.
Mi Bestia de Camila Beltrán (Col.-Fr., 1h15) avec Stella Martinez, Mallerly Murillo, Héctor Sánchez… En salle le 4 septembre 2024.