Poursuivant son voyage semi-f(r)ictionnel dans les arcanes du pouvoir politique au sommet de l’État, François Médéline revisite dans ce thriller le début du mandat de François Hollande. Au menu, fraudes, mensonges et barbouzeries. Un régal, hélas !
2012. Nommé place Beauvau par le président François Hollande, le député-maire de Lyon Serge Ruggieri a cédé ses (nombreux) mandat locaux. Au palais Bourbon, sa suppléante Djamila Garrand-Boushaki, une jeune élue régionale native de Bron — par ailleurs épouse de son chef de cabinet — a ainsi pris son fauteuil. Quand Mediapart publie la retranscription d’un enregistrement clandestin où l’on distingue la voix de Ruggieri évoquer un compte clandestin au Luxembourg, c’est le branle-bas dans les plus hautes strates de l’exécutif.
Contre-feux et dénégations parfois ubuesques se déversent aussitôt dans les médias. Tandis qu’un flic lyonnais dépressif et marginalisé s’acharne (contre sa hiérarchie) à mener une enquête sur cette affaire explosive, un ancien de la DST désormais à son compte “fait du ménage” pour des huiles du BTP craignant d’être éclaboussées par le bâton merdeux luxembourgeois. Panique en Ve République…
Anatomie d’une chute
Autant de pièces jointes “généreusement” prodiguées par NSA, matérialisant la surveillance absolue que les États-Unis ont opérée sans scrupules sur leurs alliés. On y trouve d’ailleurs une dépêche du 28/12/12 mentionnant la prolongation pour cinq ans du « droit du gouvernement à surveiller les communication électroniques des étrangers à l’étranger » approuvée par le Sénat et le Congrès et sur le point d’être validée par le sympathique Barack Obama, s’inscrivant en l’occurrence dans les pas de George W. Bush.
Chronique d’une mort (de la Gauche) annoncée
Ce procédé met aussi en évidence l’assourdissant silence du Premier ministre de l’époque, le tristement transparent Jean-Marc Ayrault dont l’effacement médiatique d’alors semble correspondre à une réelle inexistence politique, une absence de réseaux d’influence et d’emprise sur les événements secouant le cœur de l’appareil d’État. Son absence ajoutée au retrait timoré de Hollande face à ce scandale moral, participe d’une déliquescence ambiante.
À la manière d’un rétroviseur *légèrement* déformant tendu par un fin connaisseur des coulisses, La Résistance des matériaux peut se lire comme un récit du péché originel de cette Gauche de gouvernement et les prolégomènes à l’avènement de la mouvance idéologique libérale dont elle va accoucher durant la suite du quinquennat… Mais cela est une autre histoire ! (voir Tuer Jupiter).
Qui est qui ?
La Résistance des matériaux de François Médéline, La Manufacture de livres, 496 p. (7h de lecture). 21,90 €.