<<Retour en 2014<< Une fois n’est pas coutume, c’est avant d’avoir pu déguster sa cuisine que nous évoquons ici un nouveau lieu, son histoire et sa philosophie. Une très prochaine visite permettra d’apprécier si les mets sont en accord avec les mots…
Nouvelle vie
« Au départ, j’avais envie de monter une épicerie avec un peu de restauration. Et puis le projet a mûri, explique Cécile Boissy. » À l’époque, elle travaillait pour un grand groupe de l’industrie pharmaceutique, a priori très éloigné de cet univers plus délicat. « Je viens de la campagne : ma mère avait des volailles, des lapins ; j’avais l’habitude de manger des bons produits. Et puis, mon conjoint a été professeur à l’institut Paul Bocuse. Il est fromager, à présent. » Non des moindres, puisqu’il appartient au cercle prestigieux des MOF. Entre cet environnement familial très favorable et le désir d’exercer une profession en cohérence avec son “vrai soi”, Cécile n’a pas hésité longtemps, malgré les contraintes et les servitudes d’un restaurant : « J’aime le contact. Alors l’avant, l’après… du moment que le “pendant” est agréable ; que l’on peut servir des produits que les gens apprécient de manger. »

Associé sur petite annonce
Pour parvenir à ses fins, Cécile Boissy entreprend une formation en management en économie solidaire. Elle l’effectue en alternance auprès du Grap (Groupe Régional Alimentaire de Proximité), de jeunes entrepreneurs fonctionnant comme les coopératives d’activité et d’emploi, qui hébergent et accompagnent des professionnels dans l’alimentaire bio et les circuits courts. Pendant un an, elle sera leur assistante administrative ; en parallèle, elle monte son projet — qui devient son sujet de mémoire. Et en profite pour approcher tous les réseaux. Partir seule ne l’intéresse pas : « Je voulais partager. Je connais mes limites. Et puis, c’est mieux d’avoir des compétences complémentaires. » Cécile dépose donc en 2014 une annonce de recherche d’associé. Diffusée au Greta, elle est repérée par Loïc Horlin, alors en reconversion. Venu l’industrie support technique dans la fibre optique, il “en [avait] marre de rester toute la journée devant le PC” et avait donc décidé de faire un CAP de cuisine. Apprenti chez Paul’O à Solaize, puis à la Régate chez Cédric Sachet, il se retrouve pleinement dans ce projet véhiculant des idées : une entreprise à taille humaine, proche de l’agriculture paysanne, promouvant les circuits courts, œuvrant naturellement avec des produits bio sans pour autant le mettre en avant.
Concept
Avec un tel cahier des charges, deux implantations semblaient plus favorables : le quartier de la Guillotière (en phase de gentrification avancée, très réceptif à l’économie sociale et solidaire) et la Croix-Rousse. « Cela dépendait beaucoup du local : quand on est tombé sur celui-ci, notre projet s’est un peu calé à l’environnement », précise Cécile. Le contexte a en effet permis de l’affiner, le terrain étant favorable : six jours sur sept, le marché se tient à deux rues d’ici — dont une fois par semaine, le plus grand marché bio de la région. Loïc jubile d’être à ce degré de proximité ! Certes, il n’y effectue pas tous ses approvisionnements : « La viande vient d’un abattoir à Roanne, les légumes d’un maraîcher à Décines… Pour le poisson, nous passons par un grossiste qui travaille le plus possible avec les pisciculteurs de la région comme Murgat et Petit. » Inutile de préciser que pour le fromage, la maison Mons fournit La Famille… La carte compte toujours deux plats, dont une suggestion (type “pièce du boucher”). « Difficile de faire une carte à rallonge lorsque l’on ne sert que du frais », sourit Loïc. « Et chaque jour, nous avons au menu un plat sans protéine animale, mais qui n’est pas explicitement “végétarien”, complète Cécile. Peu de restaurant le proposent. Mais ce n’est pas une posture de notre part ; c’est un choix : consommer moins de viande est bénéfique pour l’environnement. » Concernant les liquides, les bières pressions proviennent La Brasserie du Pilat et de La Voie maltée (difficile de faire plus local), les jus de fruits sont artisanaux et signés Emile Vergeois, les vins naturels ou bio ; quant aux cafés, ils sont torréfiés par les voisins de Gonéo.

Banco de la banque
Concrétiser un tel projet n’a rien eu d’une promenade de santé : « Ça a été compliqué auprès des banques. Elles le trouvaient magnifique, pourtant… » Finalement, c’est une petite agence de quartier qui a dit oui. « Le circuit court, encore ! » Un établissement connaissant le territoire, et qui a cru dans le potentiel de La Famille. Ses employés en sont, d’ailleurs des clients assidus. Ils apprécient, sans doute, la politique tarifaire plutôt accessible — la philosophie du lieu étant de proposer au client des produits bio et naturels à des prix justes, tout en permettant au restaurateur de vivre. À moins qu’ils aiment les soirées musiques mensuelles du vendredi (qui pourraient devenir soirée théâtre). Ils adoreront certainement la terrasse estivale de mai à septembre, qui offrira 18 couverts supplémentaires, gagnés sur le stationnement. D’autres idées sont en gestation — comme placer des livres à disposition — mais le temps a manqué pour les mettre en application.

Première bouchée
Pour l’instant, nous n’avons pu goûter qu’un échantillon, non représentatif des talents du chef. Impossible de porter quelque appréciation globale sur sa cuisine, donc. C’est pour cela que cet article sera très vite complété. Toutefois, disons un mot de sa truite de Savoie en gravlax. Ordinairement, on apprête plutôt le saumon ainsi (le gravlax est une sorte de marinade aux épices, sucre et sel). Loïc Horlin vante la chair de la truite, « moins grasse » que son cousin. Sa saveur était fondante et confondante — il arrive que l’on ait de mauvaises surprises avec la truite (notamment fumée), qui prend un méchant goût de vase — et son équilibre en sel parfait. L’appétit étant aiguisé, nous reviendrons sous peu…