<<Retour en 2015<<Auteur de BD (Jean-Claude Tergal, Raymond Calbuth…), romancier (Le Fils du Yéti), cinéaste (Le Nouveau Jean-Claude), Didier Tronchet se lance dans l’animation avec Noël au Balcon, qu’il vient présenter à Cartoon Movie 2015, le rendez-vous des professionnels du secteur…
C’est votre première participation à Cartoon Movie, où vous arrivez avec un film « en développement ». Concrètement, à quel stade du projet en êtes-vous ?
Didier Tronchet : Au tout début ! C’est-à-dire que le producteur, Diabolo Films, est en recherche de partenariats. Il y a déjà un coproducteur qui est l’éditeur, Dupuis, par l’intermédiaire de sa filiale audiovisuelle Belvision et d’un studio qu’elle a en commun avec Dargaud — qui a collaboré au récent Astérix d’Alexandre Astier. À présent, il faut « boucler le tour de table » avec un autre producteur et un distributeur, surtout. C’est pour trouver ces deux derniers partenaires que nous venons ici. Enfin, moi, pour une fois, je ne vais pas faire trop de déplacements : je joue à domicile (sourire). D’un point de vue artistique, on a le scénario entièrement dessiné, puisque c’est une adaptation de Houppeland [une série en deux tomes dont il est l’auteur se déroulant dans une pays totalitaire où les habitants sont obligés de fêter Noël tous les soirs, NDLR].
Une adaptation assez fidèle… en même temps qu’il a fallu s’en éloigner — c’est un mélange entre les deux. On a également des premières études de personnages, des mises en place de décor pour donner une idée approximative de ce que ça pourrait donner en équivalent animation. Je serai l’auteur du film, mais il y aura « coréalisateur technique » Arthur Qwak [Chasseurs de Dragons, NDLR], que je connais depuis me débuts en bande-dessinée. Avec le producteur Gilles Podesta, qui a à son actif Le Magasin des suicides de Patrice Leconte, cela fait une bonne équipe.
Il y a justement des similitudes entre Patrice Leconte et vous : tous deux venez de l’illustration et êtes passés par le cinéma « traditionnel » avant de vous intéresser à l’animation.
Il existe encore une autre connexion : ce film est un vieux projet, que j’ai d’abord essayé de concevoir pour le « life » avec de vrais acteurs, parce que j’aimais l’idée. Le projet a donc tourné longuement, il a failli être produit une fois, puis une seconde fois où l’on est allé très loin — presque jusqu’à la date du tournage, c’était Patrice Leconte qui le réalisait ! C’est lui qui m’a vraiment mis sur les rails : je lui avais envoyé les bouquins, il les avait adorés et m’avait adressé à des producteurs. Puis, dix ans plus tard, c’est lui-même qui a failli s’y coller ! C’est rigolo : ou c’est un tout petit monde, ou ce sont des connexions subtiles entre des gens navigant dans les mêmes eaux. En tout cas, je suis ravi de ces petits clins d’œil.
Graphiquement, votre trait a changé en quinze ans. Le film tiendra-t-il compte de ces évolutions ?
Toute la difficulté est là : il faut malgré tout respecter l’esprit de départ, parce qu’il a quelque chose dedans qui avait fonctionné avec le public, une espèce de fausse naïveté du dessin, mi-réaliste mi-comique avec une forme d’esprit dedans que je ne saurais pas décrire mais qui semble être identifiable.
Au fur et à mesure qu’on a travaillé sur les adaptations en dessin, j’ai vu qu’on perdait un peu de sa spécificité, parce que dans l’animation, il y a un côté un peu gentil, rond, consensuel qui n’était pas du tout l’esprit de ce livre. Ça m’a permis de savoir exactement ce qu’il fallait préserver. Avec le producteur, on veut faire un film qui ne soit pas comme on en voit beaucoup (en 3D, avec des volumes, un peu léché). Ça va être un travail un peu brut, arraché ; un film qu’on pourrait qualifier d’hirsute, qui doit détonner, être mal rasé. Qui doit faire la différence par son sujet aussi. Là réside le vrai défi pour nous.
Pensez-vous le proposer sur les écrans à la période de Noël, en contre-programmation ?
Ah oui oui, c’est sûr qu’il faut jouer cette carte-là ! Être une espèce de poil à gratter dans cette ambiance, une petite bombe à retardement là-dedans — très modeste, parce que je ne crois pas qu’on puisse interrompre le grand flot de consommation à nous seuls. Ce n’est même pas le but : le but, c’est de jouer avec cette idée, et de s’amuser à mettre en scène des choses qui, quand on les regarde avec recul, peuvent apparaître assez rigolotes.
Avez-vous déjà une idée des voix qui seront au générique ?
Cela fait partie des décisions qui sont prises quand tout est bien avancé et que tout est bien affiné. Bon, j’aurai plein d’idées, évidemment, mais aujourd’hui, c’est prématuré.
Pour les professionnels, Didier Tronchet fera son « pitch » de présentation à Cartoon Movie vendredi 6 mars à 10h. L’intégralité de son (immense) œuvre se retrouvera sur son site, très convivial au demeurant, www.jeanclaudetergal.fr Houppeland a pour éditeur Dupuis.